Vis ma vie de lectrice formatrice, une journée au sein de l’association LIRE
Une action de terrain à l’école Pajol
08 h 15, j’entre dans l’école Pajol avant qu’elle n’ouvre ses portes aux élèves et à leurs parents. La directrice, Véronique Rivière a installé une table de présentation avec les albums que j’ai laissé la dernière fois. J’ajoute la dizaine de livres que j’ai dans mon sac à dos. Entre deux vérifications de tests PCR Véronique interpelle les parents « C’est aujourd’hui qu’on parle des livres avec Chloé, n’hésitez pas si vous avez du temps après avoir déposé vos enfants dans les classes… »
Je me joins à elle, attirant en particulier l’attention des parents que je connais « vous venez aujourd’hui ? J’ai un nouveau livre qui va vous plaire… Pas le temps ce matin ? Ça sera pour la prochaine fois j’espère »
Un petit groupe se forme, ils sont 5 aujourd’hui à vouloir participer à la discussion autour des livres que nous organisons tous les mois depuis plusieurs années. Compte tenu de la période, Véronique et moi-même sommes plutôt satisfaites de ce chiffre, nous avons bien fait de maintenir malgré nos hésitations.
On s’installe dans une salle polyvalente, tout le monde m’aide à porter la vingtaine de livres qui étaient en présentation.
On échange quelques nouvelles et des vœux de bonne année puis la présentation des albums peut commencer. Et si ? est parfait pour commencer, il met tout le monde de bonne humeur.
Une mère le réserve immédiatement « ah, celui-là je le prends pour ma fille, ça va beaucoup la faire rire ». Une autre surenchérit « c’est une façon sympa d’aborder la question des bêtises… Quoi qu’il donnerait plutôt le mauvais exemple ». Mais la littérature a-t-elle vocation à donner le bon exemple ? Chacun expose son point de vue et argumente en donnant des exemples ou en parlant de son expérience personnelle.
J’ai bien sûr mon avis sur la question, mais je ne le donne pas. Je ne suis pas là pour dire aux parents comment ils doivent lire avec leurs enfants mais pour leur faire découvrir des livres et pour leur donner envie de les partager en famille. J’écoute avec plaisir les échanges et j’alimente la réflexion en lisant d’autres livres. Les échanges sont riches et serins.
Un père me rend Pour faire une tarte aux pommes, qu’il a emprunté la dernière fois et qu’il a trouvé « très sympa ». Hop, le livre passe de mains en mains, ce soir il sera lu à un nouvel enfant. Le grand documentaire Le corps humain, de Joëlle Jolivet qui vient de sortir aux éditions les grandes personnes attire tous les regards. Une mère commente « ah, elle a pensé à mettre plusieurs couleurs de peau, c’est bien », une autre note que les volets à soulever permettent de comprendre comment les organes se superposent dans le corps. Le prêt s’organise « quant tu l’auras lu à ton fils, tu me le fais tourner directement ? » Celui-ci va probablement circuler un moment, d’autant que Véronique pense qu’il va intéresser aussi les enseignants. Comme toujours, le moment est chaleureux et agréable. Un des pères présents est nouveau dans l’école, il trouve là l’occasion de faire connaissance avec d’autres parents, des liens se créent.
En tout, 8 albums seront empruntés pendant l’heure qu’à duré la rencontre. Les autres restent sur place, dans une caisse accessible devant le bureau de la directrice, les familles savent qu’elles peuvent piocher dedans et garder les livres quelques jours. Certains circulent pendant plusieurs mois avant de réapparaître, mais ils finissent toujours par revenir.
09h30, tous les parents sont partis, le temps de faire un petit bilan rapide avec Véronique, de noter qui était présent, les livres lus et empruntés, et de fixer une date pour le mois prochain et me voilà partie.
Une chance, l’école n’est pas très loin de nos locaux. Je m’y rends à pied et j’arrive un peu après dix heures.
Quelques tâches hors terrain, au bureau
J’échange quelques mots avec mon collègue Frédéric, qui est au bureau ce matin et je me fais un café pendant que l’ordinateur démarre.
Je réponds à quelques mails, il faut organiser un partenariat entre une PMI et une bibliothèque, régler quelques tracas administratifs, déplacer une séance de lecture pour coller aux impératifs d’une autre structure. Nos emplois du temps ressemblent parfois à un jeu de tétris et il faut plusieurs coups de fil pour tout faire rentrer mais on finit toujours par y arriver. La tâche est fastidieuse mais je me réserve une petite récompense pour mon activité suivante.
Je vais plonger dans les albums que nous avons reçus en service de presse. Je ne boude pas mon plaisir, découvrir de nouveaux livres est une de mes activités préférées. D’ailleurs je lorgne depuis un moment sur la pile de livres que Frédéric à laissé bien en vue dans la salle de réunion. Je commence à les lire avec gourmandise.
Mais n’allez pas croire que ce n’est pas du travail. Être toujours au fait des nouveautés, les analyser et les sélectionner en vue de notre activité de terrain contribue à ce que nous soyons reconnus comme experts de la littérature enfantine. C’est aussi indispensable pour proposer des albums adaptés lors de nos formations.
Parmi les livres que je découvre aujourd’hui, deux retiennent mon attention, je rédige donc deux petits articles pour la rubrique Parlons album de notre site. Ils seront ensuite mis en forme par Pascale, avant d’être mis en ligne. D’ailleurs, elle m’informe par texte qu’elle vient juste d’un publier un sur la partie blog de notre site. Je prends quelques minutes pour le partager sur notre page facebook. Il me reste une dernière tâche à accomplir, les textes pour la prochaine infolettre sont un peu longs, il faut opérer quelques coupes et relire. Tous les textes que nous publions sont systématiquement lus par plusieurs personnes et parfois malgré tout, nous laissons passer quelques coquilles.
Il est maintenant l’heure de déjeuner, j’aurais bien aimé manger sur place mais malheureusement notre réunion d’équipe de cet après-midi doit avoir lieu à distance.
Je prends donc le tram pour rentrer chez moi.
Une réunion d’équipe… A distance
Le temps que chaque membre de l’équipe puisse regagner son domicile après une matinée sur le terrain, la réunion commence à 14h.
Aujourd’hui à l’ordre du jour, il y a des points de communication, dont des petits réglages à faire sur notre nouveau site internet.
Nous devons penser à de nouveaux contenus aussi, il y a beaucoup de partenaires auxquels nous aimerions donner la parole dans le cadre d’une rencontre avec, et des auteurs que nous aimerions interroger, ou même des éditeurs… Les idées ne manquent pas, le temps pour les concrétiser en revanche est une denrée rare. Il faudra opérer des choix.
Nous devons aussi valider la mise à jour de notre bibliographie pour les tout-petits.
Pascale nous montre la nouvelle mise en page, malgré son savoir faire elle a eu bien du mal à faire tenir toutes les références sur une double page. Pour une présentation plus aérée il faut choisir les couvertures d’albums qui n’y figureront pas. Après une mûre réflexion l’équipe fait le choix de privilégier les albums qui ne figurent pas déjà dans les autres bibliographies, puisqu’elles sont souvent distribuées en même temps.
Le point communication terminé, nous en arrivons aux actions de terrain.
En cette période de pandémie qui s’éternise, notre capacité d’adaptation est sans cesse mise à l’épreuve. Depuis deux ans, nous relevons tous les défis que cela implique avec enthousiasme. Telle action est suspendue ? Proposons un courrier aux familles pour garder le contact, avec des conseils de livres et des petits jeux à faire avec leurs enfants. On ne peut plus travailler dans telle structure ? Et si on invitait les familles à nous retrouver à la bibliothèque du quartier ? Il faut réduire les jauges ? Cela tombe bien, nous proposons des lectures individualises. L’équipe fait preuve d’une belle créativité et les réunions nous permettent de repérer les projets qui fonctionnent le mieux pour éventuellement les reproduire dans un autre quartier.
On en profite aussi pour évoquer la nouveauté de la semaine. Depuis lundi dernier nous sommes équipés de masques FFP2. Quid de la lecture avec ce nouvel équipement ?
Les retours sont mitigés. Une collègue s’interroge : « C’est moi qui ai les oreilles trop grandes ou vraiment les élastiques sont trop tendus ? »
Un autre constate que cela étouffe un peu la voix. Pour lire, ça va mais pour chanter ça devient compliqué. A chacun de décider s’il préfère privilégier le masque chirurgical, l’inclusif ou le FFP2, selon les lieux, les publics rencontrés, l’aération ou non des locaux.
On termine par un dernier point logistique (quelques tâches à se partager, des dates à fixer, des rendez-vous pour un travail à plusieurs…) et la journée se termine.
Demain, le travail sera très différent. C’est une des spécificités de cet étrange métier, il n’y a pas deux jours qui se ressemblent. C’est sans doute pour cela que les années passent sans qu’on s’en lasse.
Chloé Séguret, lectrice formatrice
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