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La lecture en PMI est une de nos missions principales. Récit d’une séquence sur le vif.
En cette journée d’automne, les rendez-vous s’enchaînent dans cette PMI du 20eme arrondissement et la salle d’attente s’anime au fil des arrivées et des départs des familles.
J’ai installé mes livres sur la table basse, visible dès qu’on entre dans la pièce, mais également sur le grand tapis en fond de de pièce et sur les espaces de jeu: au pied du toboggan, près de la dînette et du coin garage.
Une mère arrive, accompagnée de ses deux filles, âgées de 18 mois, presque 5 ans.
C’est l’ainée qui vient en premier vers moi et les livres, attirée par la couverture de Dessus dessous devant dedans
Je lui explique que je suis là pour lire des histoires aux enfants qui en ont envie.
Elle me répond en montrant le canard en couverture “Ce livre, il est bien pour mon bébé”.
Je suis amusée par la formule et je désigne sa plus jeune sœur en disant “c’est elle ton bébé?” Elle me répond “oui, c’est Bintou[1], c’est encore un bébé mais elle a bien grandi”.
Je m’adresse alors directement à Bintou: “tu veux que je te lise ce livre?” Elle est occupée avec la poussette et le poupon, et me répond avec fermeté “non”.
Je me tourne alors vers l’aînée: “Et toi, comment t’appelles-tu?
-Fatou
-Tu as envie que je te le lise à toi ce livre, Fatou?
-C’est un livre pour les bébés, je ne suis pas un bébé moi, je suis une grande fille.” Puis, posant sa main sur sa tête elle précise “je suis grande comme ça.
-C’est vrai que c’est grand, je parie que tu es au moins à l’école maternelle, tu es en quelle classe?
-La classe de Karine.”
Sa mère, qui a suivi la conversation me précise:
-C’est la classe des grands.
Fatou reprend alors
“On lit pas des livres de canard chez Karine.
-Ah non? Celui-là ce n’est pas juste un livre de canard, c’est un jeu de devinette aussi.” Joignant le geste à la parole, j’ouvre l’album et montre les premières pages en lisant “dessus, dessous, devant, dedans”
Fatou se prend rapidement au jeu, tentant de deviner de quel objet il s’agit, quand elle y arrive elle se tourne vers sa mère qui lui dit systématiquement “c’est bien” et quand elle n’y parvient pas elle souhaite tourner elle-même la page pour découvrir la réponse en image.
Elle passe visiblement un très bon moment et se tourne de nouveau vers sa sœur en disant “mais regarde Bintou, regarde, c’est chouette!”
Bintou est partie à l’autre bout de la salle, elle a désormais les deux petites poussettes de la pmi avec un poupon dans chacune et tente de les pousser les deux en même temps.
De nouveau elle répond “non” puis insiste “non non non”. Elle pointe son petit index vers sa grande sœur et fronce les sourcils. Je dis à Fatou “je pense qu’elle n’a vraiment pas envie”. et Bintou répète “Pas pas pas !”, toujours aussi véhémente.
Je ne cache pas mon amusement face à cette fillette au caractère bien trempé. Sa mère rit de bon cœur puis elle me dit “Bintou. Pas facile”.
Je conviens que ça ne doit pas être de tout repos tous les jours.
Fatou est moins complaisante que nous avec sa petite sœur, elle semble agacée. Elle se retourne vers moi en disant “de toute façon, c’est pas pour elle, c’est même pas un livre pour les bébés”.
Elle a ensuite reposé le livre sur la table basse et en a choisi un autre pour que je le lui raconte, et nous avons poursuivi avec plusieurs autres lectures, que des livres “de grand”, cela va sans dire.
Bintou a poursuivi son jeu avec les poussettes en déambulant dans la salle. Elle a entendu toutes les histoires que j’ai lu à sa grande sœur et peut-être en a-t-elle véritablement écouté certaines, tout en jouant. Parce que l’on est jamais trop petit pour écouter des livres de grand, et jamais trop grand pour écouter des livres de petit.
Chloé Seguret, Lectrice formatrice
[1] Tous les prénoms ont été changés
