Embauchée récemment pour remplacer une collègue en congé maternité, Marthe fait ses premiers pas de lectrices sur le terrain.
Elle nous donne aujourd’hui ses premières impressions.
La première fois que l’on m’a parlé de lire à des bébés je me suis dit “oui bien sûr, pourquoi pas”. Mais j’avoue être restée un peu sceptique sur l’impact réel que cela pouvait avoir. Il m’a fallu entendre mes collègues parler de leurs expériences, puis voir de mes propres yeux l’effet de la lecture sur ces bébés pour vraiment comprendre.
Maintenant c’est moi qui parle de lire à des bébés à des gens qui, s’ils m’écoutent poliment voire attentivement, ne sont pas toujours convaincus par ce que je raconte. Comme ce jeune couple en salle d’attente de PMI qui me dit que leur bébé de 5 mois est trop petit mais me permet quand même de lire un livre à leur enfant, ce que je fais devant eux pendant qu’il est allongé sur la table à langer.
Ce bébé, très gentiment, m’a aidé à plaider ma cause car il m’a écouté tout du long et n’a pas lâché le livre des yeux. Et les parents, épatés, de me dire “c’est dingue, on dirait vraiment que ça l’a intéressé”. Ce genre de phrase, ce sont mes petites victoires, les moments où je me dis que je sais ce que je fais.
Mais même en le sachant, je me laisse parfois surprendre.
Comme cette fois où une maman vient à la PMI avec son petit J de 2 ans. Il est trisomique et elle me dit que “du coup il ne lit pas comme les autres, qu’il ne se concentre pas bien”. Je lui dis qu’il y autant de manière de lire que de livres, et pour ne pas ennuyer J avec une histoire, je lui propose Coucou de Lucie Félix. Je pense que peut-être, avec un livre jeu qui ne ressemble presque pas à un livre j’arriverai à avoir son attention sans que la maman ne ressente de la pression.
Effectivement J joue beaucoup avec, il le met sur sa tête, on joue à mettre nos mains derrière les différents motifs, il rit et le montre à sa maman.
Au bout d’un moment il regarde avec attention la couverture d’un livre que j’avais mis sur le côté, Beaucoup de beaux bébés de David Ellwand.
Je lui demande si ce livre lui fait envie et je l’ouvre pour lui. Il touche alors le visage de chaque enfant, je tourne chaque page et toutes l’intéresse. Il ne bougera pas de toute la lecture.
Et là on se sent un peu bête d’avoir pensé à la place de l’enfant, d’avoir cru savoir mieux que lui ce qui allait lui plaire.
Heureusement qu’ils sont là pour nous rappeler qu’il y autant de manière de lire que de livres.
Marthe Henriet, lectrice