Le samedi 18 septembre 2021, l’équipe de LIRE était conviée à lire des albums lors de la journée du livre et de l’accès à la lecture, organisée par l’Association Nationale des Parents des Enfants Aveugles (ANPEA) à l’Institut National des Jeunes Aveugles (INJA).
Sous un beau soleil, nous avons installé nos tapis dans le jardin de l’INJA pour proposer des lectures individualisées aux enfants présents.
Les enfants aveugles ou malvoyants et leurs familles, ont pu lire ou écouter des histoires au fil de la journée.
Les albums issus des éditions spécialisées, Les doigts qui rêvent et Mes mains en or, ont rencontré un très grand succès.
De façon peut-être plus inattendue, d’autres livres ont également été plébiscités. Coucou (Lucie Félix, les grandes personnes) un de nos albums fétiches, a été très souvent choisi, exploré et apprécié. Les prélivres (Bruno Munari, les trois ourses) ont donné lieu à de nombreuses explorations par les plus jeunes enfants.
Les contrastes et les formes à toucher des leporelos de Pascale Estellon (Un imagier pour jouer et Un imagier à toucher, éditions les grandes personnes) se sont révélés parfaitement adaptés également.
Le superbe et si poétique livre pop up Petit arbre de Katsumi Komagata aux éditions Le cosmographe a fait l’objet d’un très beau moment de découverte par Jeanne, une petite fille de 8 ans.
Après avoir terminé Le géant de Noël (Magali Bardos, Les doigts qui rêvent), elle me demande si il y a d’autres livres en braille. Parmi ceux que je lui présente, elle me dit les avoir tous lu. En effet c’est une grande lectrice, elle n’a quasiment pas quitté le tapis de lecture depuis la matinée. Je lui propose alors le livre Feuilles (Katsumi Komagata), un album tactile avec une transcription en braille. Elle commence à lire la première page sur laquelle il n’y a que le texte en braille, sans illustration ni découpe. Elle le referme aussitôt. Comme j’avais observé pendant sa lecture du géant de Noël qu’elle accordait une grande attention aux illustrations en relief, s’amusant d’abord à deviner l’objet représenté avant de lire le texte en braille, je lui tends Petit arbre de Katsumi Komagata. Comme le texte n’est pas en braille, je lui propose de le lire, elle est d’accord. Tout en écoutant le texte, elle prend un grand plaisir à toucher l’arbre qui change de forme au fil du temps et des saisons. Son geste est à la fois précis et délicat, elle mesure du bout de ses doigts la fragilité des découpes. En fin de lecture elle revient sur la première page, touche à nouveau le premier arbre tout en gardant sa main sur celui de la dernière page et compare la différence des formes.
Les doigts et le sourire de Gabriel
Gabriel s’installe timidement sur le tapis, chaleureusement invité par Jeanne, dont nous avons vu qu’elle était une grande lectrice. Elle lui propose un ou deux albums tactiles mais il semble hésiter. Tout comme elle, Gabriel est déficient visuel. Il est en CE1 et jeune lecteur en braille. Je m’installe à ses côtés, et Bretzel fait de même… Bretzel ? c’est le chien guide d’aveugles de Jeanne, un labrador noir. Me vient l’idée tout à coup de proposer à Gabriel de raconter une histoire à Bretzel. Gabriel s’empare alors de Bébé Lézard, bébé bizarre et nous voilà partis pour une aventure à trois, guidés par les petits doigts agiles de Gabriel qui parcourent lentement et patiemment chaque petit point blanc saillant du livre tactile illustré.
Sa voix, timide et hésitante au départ, se fait progressivement plus assurée. Chaque ligne courageusement déchiffrée lui fait découvrir la queue d’un nouvel animal. Bébé lézard va-t-il enfin trouver une queue qui lui convienne ? Pour Gabriel, l’effort de concentration est important, mais son plaisir de lire, tout seul, est perceptible. L’exploration des formes et des textures rythment la lecture et lui permettent de se représenter les différents animaux rencontrés. Ses petits doigts manipulent avec une joie non dissimulée la langue de Bébé lézard et plus encore la mâchoire articulée de l’alligator ! Une main posée à intervalles réguliers sur le doux poil de Bretzel permet de s’assurer que l’animal est toujours là… et de faire le plein de courage pour entamer une nouvelle page de lecture ! C’est alors que Gabriel se met à retourner le livre, posant sur le dos de Bretzel la page avec la queue du lion. Comment Bretzel, qui écoutait pourtant sagement l’histoire, aurait-il pu sinon se représenter la queue du lion ? Ce fut un instant magique et d’une grande complicité !
Une fois l’histoire terminée, Gabriel a de nouveau feuilleté l’album tout en nommant fièrement chaque animal et en retrouvant chacune des queues.
Sur ce tapis, le temps s’est arrêté …. autour de l’histoire d’un bébé lézard et d’un jeune garçon qui découvre, grâce à ses mains et la complicité d’un labrador, le monde merveilleux des livres.
Morwena Le Hong, bénévole
Yaël Sané-Cohen et Chloé Séguret, lectrices-formatrices de L.I.R.E